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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

au commerce et le goût des arts. Cette opposition des deux races fut représentée historiquement par l’antagonisme de deux républiques à jamais illustres, Sparte et Athènes.

Ou devine que l’architecture des Doriens portera l’empreinte de leur génie sévère. Elle sera solide, massive, puissante, et elle accusera sa puissance comme un athlète montre ses muscles. Tels sont, en effet, les caractères saillants de l’ordre dorique, surtout dans ses commencements. C’est la nécessité même de la construction qui engendre la principale beauté de cet ordre. L’ossature du monument dorique est visible et si bien accentuée que le spectateur, passant par toutes les phases de la construction, bâtit l’édifice une seconde fois dans sa pensée. Si nous analysons l’architecture dorique, nous allons en voir toutes les parties s’agencer, se pondérer, se soutenir avec une logique rigoureuse. Chaque membre occupera une place inévitable, chaque pierre dira elle-même sa fonction, chaque moulure s’expliquera, et l’expression du monument ressemblera à ce langage laconique dont tous les mots portent.

Nous connaissons déjà la colonne dorique ; elle est sans base ; elle a une forme conique très prononcée avec un léger renflement. On y a traîné des cannelures profondes à vives arêtes. L’image d’une forte ligature a été figurée en haut du fût et répétée à la gorge du chapiteau. Les formes végétales de l’Égypte ont été remplacées par un tore évasé dont les contours rappellent ceux d’une patère et qui, par le caractère de son profil, semble représenter la résistance d’une matière comprimée. Ce membre du chapiteau se nomme échine, nom dérivé sans doute du mot echinos (εχινος), qui signifie cuvette. Sur l’échine est posée une dalle carrée appelée tailloir ou abaque. Tel est le support dorique chez les Grecs, inventeurs des trois ordres. Vitruve dit que ce support est proportionné comme le corps de l’homme dans lequel le pied est égal à la sixième partie de la hauteur du corps ; mais, d’une part, ce rapport n’est pas bien observé, ainsi que nous l’avons établi dans le chapitre sur les Proportions du corps humain ; d’autre part, si ces proportions avaient été appliquées aux colonnes doriques, elles auraient toujours six diamètres de hauteur, ce qui jamais ne se vérifie. En effet, dans les temples de l’ordre dorique véritable, du dorique grec, la colonne la plus élancée, y compris son chapiteau, a toujours moins de six diamètres.

Maintenant, que va porter cette colonne ? L’espace entre deux supports est couvert, nous l’avons dit plus haut, par une seule pierre horizontale, une plate-bande, qui va d’une colonne à l’autre, joignant les deux axes, et qui est posée à joints vifs sans mortier. Dans la construction en pierre, cette plate-bande, l’architrave, rappelle par son nom, qui signifie maîtresse poutre, la construction primitive en bois. En effet, les temples les plus anciens de la Grèce, même lorsqu’ils étaient bâtis en pierre, étaient couverts en charpente, ainsi qu’en témoignent plusieurs passages d’Euripide (tragédies d’Oreste et des Bacchantes), de Polybe, de Pline, de