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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

Pausanias. Le temple de Junon à Métaponte, dans la Grande-Grèce, le temple de Neptune à Mantinée, étaient portés sur des colonnes de chêne ou d’autres bois. À Éphèse, le fameux temple de Diane fut aisément brûlé par Érostrate, parce que la couverture était en bois de cèdre. Leur ancienneté même donnait aux colonnes en bois un caractère sacré, et, souvent — c’est Pausanias qui l’affirme — elles étaient conservées comme des modèles vénérables, dans les édifices en pierre qui avaient succédé aux temples primitifs. Il est certain que ces temples eurent en tous cas des toitures en bois, et nous verrons que le souvenir s’en perpétua dans les constructions de l’ordre dorique, qui conservèrent ainsi, en pierre ou en marbre, une image commémorative de l’antique charpente.

Sur la maîtresse poutre étaient posées des solives qui la coupaient à angles droits, et qui étaient soutenues à l’autre bout par le mur principal du temple. Mais ces solives étaient séparées de l’architrave par un cours de planches qui la couvrait pour la garantir de l’humidité, précaution d’autant plus nécessaire qu’une maîtresse poutre se compose toujours de deux demi-poutres jumelles, juxtaposées et reliées par des clefs, mais qui laissent entre elles un joint, de manière que, si l’une des deux vient à fléchir, l’autre puisse résister encore quelque temps, la solidité ayant ainsi deux chances pour une. Les solives étaient couvertes à leur tour par une sablière, c’est-à-dire par une pièce de bois couchée horizontalement dans le même sens que l’architrave, et supportant les chevrons du comble, lesquels faisaient saillie au dehors pour écarter la chute des eaux de pluie, et portaient le plancher incliné de la couverture. Mais, comme ces chevrons présentaient à leur extrémité une suite de petites surfaces carrées d’un effet mesquin et déplaisant, on en rabattait les angles et on y clouait des planches qu’on plaçait sur un plan vertical, afin que la pluie n’y pût séjourner. La même chose était pratiquée sur la face inférieure, tant pour la préserver que pour épargner au spectateur placé en dessous un effet semblable à celui dont nous venons de parler. Cependant, au bas de la toiture règne un canal appelé chéneau, destiné à recevoir la masse des eaux de pluie et li les conduire dans les tuyaux de gouttière ; on évite par là de laisser couler des torrents de pluie tout le long de l’édifice. C’est ainsi que se construisait en général et que se construit encore une couverture en charpente[1].

Voyons à présent comment les Grecs ont imité ou plutôt rappelé ces dispositions, particulièrement dans l’ordre dorique.

On entend, en architecture, par le mot ordre, le rapport établi entre la colonne et les parties qu’elle supporte. Ces parties, au nombre de trois, forment ce qu’on appelle l’entablement. L’édifice pouvant se terminer en terrasse ou se couronner d’une toiture qui varie, le comble n’est pas

  1. Voir ci-après les figures pages 190 et 191.