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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

portions de l’ordre corinthien. » Cette petite histoire, qu’on a tant de fois répétée, a le double mérite — on l’a fait observer avant nous — d’attacher un souvenir poétique au chapiteau inventé par Callimaque et de rendre un compte assez net des diverses parties de l’ornement qui caractérise l’ordre corinthien. La corbeille, dont la surface apparaît au travers des feuillages qui l’entourent, repose sur l’astragale qui termine le fût de la colonne, et elle est surmontée d’un abaque ou tailloir qui représente la tuile placée par la sollicitude de la nourrice. Au pied de la corbeille prennent naissance des feuilles d’inégale hauteur qui se courbent en manière de panaches et dont les plus hautes, s’échappant de leur tige, vont s’enrouler comme des volutes sous les angles saillants de la tuile, ou, se tournant en sens contraire, viennent se rencontrer deux à deux sur chacune des faces du chapiteau, tandis qu’une tige plus hardie va s’épanouir en fleuron au milieu de l’abaque et y forme ce qu’on nomme la rose.

Ici encore les Grecs n’ont fait que perfectionner un motif déjà inventé par les Égyptiens, qui avaient imité sur le calice de leurs colonnes la végétation du lotus ou du palmier. Que l’honneur de ce perfectionnement appartienne à Callimaque, cela peut s’induire aussi d’un passage de Pausanias, rapportant ce qu’il a vu dans le temple de Minerve Poliade. « Callimaque, dit-il, fit à la déesse une lampe d’or qui brûlait nuit et jour et dont la fumée s’échappait à travers un palmier de bronze (φοίνιά χάλκινς) qui montait jusqu’au plafond. » Quoi qu’il en soit, de tous les chapiteaux corinthiens connus, le plus ancien est celui qui fut placé par Ictinus dans le temple d’Apollon Épicurius, à Phigalie, environ 430 ans avant notre ère. Une seule colonne corinthienne placée derrière la statue d’Apollon se raccordait avec les colonnes ioniques de l’intérieur. Mais un chapiteau isolé ne constitue pas un ordre. C’est dans le petit monument choragique de Lysicrate, vulgairement et improprement appelé Lanterne de Démosthènes, que l’ordre corinthien parait avoir été appliqué pour la première fois à l’ensemble d’un édifice[1]. Celui dont nous parlons fut élevé en l’honneur du chorège Lysicrate, dont la troupe avait remporté le prix dans une fête publique, sous l’archontat d’Évænétus, la deuxième année de la iiie olympiade, c’est-à-dire 335 ans avant notre ère. On voit encore, et nous avons vu à Athènes, au pied de l’Acropole, les charmantes ruines de ce monument, qui est un chef-d’œuvre de grâce, une petite merveille. Il est circulaire et construit tout en marbre pentélique. L’entablement est soutenu par six colonnes corinthiennes qui semblent être des demi-colonnes, parce que les entre-colonnements sont remplis par des, panneaux de marbre, ornés, à la hauteur des chapiteaux, de trépieds en bas-reliefs. Ces colonnes reposent sur deux marches circulaires qui servent de base à la

  1. Un moulage restitué de ce petit monument existait dans le parc de Saint-Cloud. Il n’y existe plus depuis la guerre de 1870. Il y en a un à l’École des beaux-arts, à Paris.