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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Pendant mon séjour en Corée, j’ai pu me procurer un compas dans le genre de ceux dont se servent les astrologues à la cour, pour déterminer les jours heureux, etc., et, de retour à New-York, j’en ai fait cadeau à la Société de géographie de cette ville.

Le roi de Corée se fait voir rarement de son peuple ; il est tenu, cependant, par un ancien usage, une fois au moins pendant l’année, de sortir de son palais en procession pour aller au temple sacrifier aux mânes de ses ancêtres. Ce jour heureux est une affaire grave pour les astrologues qui jouent de leur réputation si, par malheur, ils choisissent une mauvaise journée. En l’année 1888, la procession, connue sous le nom à Que-Dong, avait lieu le 14 mars, et j’ai eu l’heureuse chance d’y assister ; j’avais pris avec moi un objectif dont le Coréen n’avait pas eu jusque-là la moindre notion ; je le note ici, car plus tard cet incident servit de prétexte à une émeute de la populace contre les étrangers ; j’y reviendrai plus loin ; parlons maintenant de la procession. À la tête du cortège passa d’abord le maréchal du Que-Dong, perché haut sur une chaise, espèce de monocycle ; la roue du centre supportait le poids de la chaise où était assis le maréchal ; les timons, en avant et en arrière, étaient tenus par des coolies qui, en tirant et en poussant, imprimaient au véhicule une vitesse vertigineuse. En avant et sur les flancs passaient d’autres coolies armés de gourdins avec lesquels ils flanquaient, à ceux qui ne cédaient pas facilement le chemin, de rudes coups. Les soldats des différentes casernes venaient ensuite prendre le chemin et, sous les ordres du général Han, formaient un rang de chaque côté de la rue.

Une musique baroque et où on distingua la terrible cornemuse annonça l’arrivée du roi. D’abord, il était précédé de serviteurs portant haut l’immense ombrelle en soie rouge, emblème de la royauté en Corée ; ensuite, le roi, assis sur une chaise couverte d’une large couronne en soie rouge et portée sur les épaules des nombreux coolies ; puis, autour de la chaise royale, se trouvaient des favorites du roi, les eunuques tenant le premier rang ; tous éventaient Sa Majesté, sans doute pour chasser les odeurs insupportables et non pas certainement pour le rafraîchir, car la tempérarature était basse et il gelait ferme. Au moment de son passage, toute la foule s’inclina en koteou (prosternations) car l’usage ne veut pas qu’on