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il est grand. Baille-moi, Smetse, de ce saucisson qui est bon. »

— « Ha, » dit le forgeron, « il ne l’est assez pour votre seigneurie ; mais vous ne buvez point. Videz cette chopine, c’est double bruinbier. »

— « Forgeron, » dit le diable, « elle est bonne ; mais j’en bus de meilleure en l’auberge de Pierkyn le jour où furent brûlées sus le marché cinq fillettes réformées ensemblement. — Cette-là moussait davantage. — Cependant que nous buvions nous entendions les dites filles chanter psaumes emmi le feu. — Hà ! nous bûmes bien en ce jour. — Mais considère, Smetse, la grande perversité de ces filles toutes fort jeunes et tant obstinées en leur crime qu’elles chantaient leurs cantiques, ne se plaignaient point, souriaient au feu et invoquaient Dieu hérétiquement. Baille-moi à boire, Smetse. »

— « Mais, » dit Smetse, « le roi Philippe demanda votre canonisation à Rome pour ce que vous aviez si bien servi à l’Espagne et au pape ; comment donc n’êtes-vous en paradis, messire ? »

— « Las ! » ploura le diable, « on n’a point bien reconnu mes services anciens. Les traîtres réformés sont près de Dieu et je brûle au parfond des enfers. — Là sans cesse ni trêve, je dois chanter les psaumes des hérétiques ; dur châtiment, peine ineffable : ces chants