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Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/25

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matines de bouteille et vêpres de flacon, ne l’eût point reconnu sans doute.

Car il était tant flétri, sec, maigre et de mine piteuse, que les chiens abayaient le regardant, ainsi qu’ils font aux gueux portant besace.

II.

Or, tandis qu’il se morfondait ainsi passant le temps en mélancolie et désespérance, et tout seul en un coin comme lépreux, survint d’aventure en l’hôtellerie, maître Jan Blaeskaek, brasseur de bière, fin compagnon et bien malicieux.

Cettuy-ci, considérant Pieter Gans, lequel affolé et ahuri le regardait et branlait la tête comme un vieux, vint à lui et le secouant : « Çà, dit-il, éveille-toi, compagnon, je n’aime point te voir là comme mort. » — « Las ! répondit Pieter Gans, je ne vaux guères plus, compère. » — « Et d’où donc, dit Blaeskaek, t’est advenue cette noire mélancolie ? »

Ce à quoi répondit Pieter Gans : « Viens-t’en en un lieu où nul ne nous puisse ouïr. Là, je te veux détailler l’aventure. »