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du cœur au ventre. Seul je n’en aurai point, mais à deux nous en aurons de trop. — Il convient aussi nous bien armer en guerre. Et en place de dormir nous banquetterons et boirons allégrement. »

— « Je le veux, dit Blaeskaek, mais du vieux, si me croyez. »

Environ vers la minuit, les deux compagnons choppinant en une salle basse à ventres déboutonnés, mais non toutefois sans appréhension, ouïrent la même voix non plus lamentable, mais joyeuse, chanter chansons en langue tout à fait étrange ; et il y eut cantiques bien doux, comme qui dirait anges (parlant sauf leur respect), lesquels en paradis auraient bu trop d’ambroisie, voix de femmes bien célestes, miaulements de tigres, soupirs, bruits d’accolades et baisers amoureux.

« Ho ! ho ! s’exclamait Pieter Gans, qu’avons-nous ici ? doux Jésus ! » — « Ce sont diables pour sûr. » — « Ils me vont vider la pipe entièrement. Et estimeront excellente ma cervoise et en voudront boire de rechef et à chaque nuit ulleront plus fort : Mouille ! mouille ! Et Je serai ruiné, las ! las ! — Ça, compagnon Blaeskaek — et ce disant tira son kuyven, lequel est, comme vous savez, un fort couteau bien affilé, — ça, il nous les faut chasser par force, mais je n’en ai le courage. »

— « J’y vais, répondit Blaeskaek, mais tantôt seule-