Page:Charles De Coster - Légendes Flamandes.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 245 —

— « Adoncques, » dit-elle, « bois, mange et chauffe-toi. »

Cependant que Smetse mangeait et buvait, il narra à sa femme comment il n’avait pu entrer endéans le paradis, et son dessein qu’il avait d’emporter de la cave plein tonnelet de bruinbier et bouteilles de vin de France, pour en vendre à un chacun qui entrerait en la sainte Cité, en être bien payé, et de la monnaie reçue acheter meilleure nourriture.

— « Ceci, » dit-elle, « mon homme, est bien, mais Monsieur saint Pierre te baillera-t-il permission d’établir aux portes du paradis ladite taverne ? »

— « J’en ai, » dit-il, « l’espérance. »

Et Smetse, chargé de son tonnelet et muni de ses bouteilles, monta vers le bon paradis.

Ayant pris pied lez le mur, il établit là sa taverne en plein vent, car l’air est bon en ce céleste endroit, et le premier jour un chacun qui entra but chez Smetse et le paya bien par compassion.

Mais plusieurs s’enivrèrent, et étant entrés ainsi, Monsieur saint Pierre s’enquit des causes de ce fait, et les ayant connues, il enjoignit à Smetse de cesser à vendre ses boissons, et il le fit fouetter bien amèrement.