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— « Smetse, est-il vrai que tu aies vendu ton âme au diable ? »

— « Oui, Monseigneur, » répondit le forgeron, duquel les genoux s’entre-cognaient par peur.

— « Ha, Smetse, ceci n’est bien, car un homme doit plutôt souffrir tout mal, douleur, angoisse, que de vendre son âme à ce qui est méchant, laid, injuste et menteur, comme est le diable. Mais n’as-tu à me narrer quelque action bien méritoire pour amoindrir un tantinet ce grand crime ? »

— « Monseigneur, » répondit Smetse, « j’ai combattu longtemps avec ceux de Zélande pour la libre conscience et, ce faisant, j’ai souffert comme eux la faim et la soif. »

— « Ceci est bien, Smetse, mais as-tu persisté en cette belle conduite ? »

— « Las ! non, Monseigneur, » dit le forgeron, « car, parler sans feinte, la constance a manqué à mon courage, et je suis rentré en Gand, où, comme tant d’autres, j’ai porté le bât espagnol. »

— « Ceci est mal, Smetse, » répondit Monseigneur Jésus.

— « Monseigneur, » ploura la femme, « nul n’a été plus que lui généreux aux pauvres, doux à chacun, humain à ses ennemis, voire même au méchant Slimbroek. »