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Page:Charles Derennes Le peuple du pôle 1907.djvu/142

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le peuple du pôle

diocre, ne valait pas la poudre. Ceintras avait été plus heureux. Il s’était fabriqué une ligne tant bien que mal ; avec des épingles et de la ficelle, et pêchait dans le fleuve. Encore que son engin fût très primitif, il attrapait des quantités de poissons excellents.

— C’est merveilleux ! s’écriait-il triomphalement à chaque nouvelle prise. Je ne m’ennuie plus du tout ici : le pays est plein de ressources !

Cette distraction utile eut en outre l’avantage de contribuer pour beaucoup à le calmer et à le guérir. Moi, afin de ménager mes forces et de rester plus facilement éveillé durant les heures sombres, j’avais pris l’habitude de dormir pendant que Ceintras pêchait.

— Quelle sacrée marmotte tu fais, me disait-il en riant. Vraiment, mon pauvre ami, tu n’es guère l’homme de la situation et, si je n’étais pas là pour te fournir ta nourriture, je me demande ce que tu deviendrais.

Mais, à d’autres moments, je voyais se marquer sur sa physionomie les traces d’une angoisse et d’une inquiétude profondes. Par suite de cette acuité de sensation que possèdent certains malades, il s’avisait de mille petits faits qui m’échappaient, mais qui prenaient dans son esprit une énorme importance en s’y déformant ou en s’y