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le peuple du pôle

rement que la fuite aurait pu les sauver. Il est probable que, plus que tout, la pensée que l’ordre de leur monde était troublé leur paraissait insupportable, et qu’ils arrivaient, coûte que coûte, pour tenter de remettre en marche la machine à fabriquer le jour. En tout cas, lorsque j’eus démasqué mes yeux, la nuit fut devant moi toute pointillée de leurs prunelles ; je ne voyais pas les monstres, je ne voyais rien, — rien que ces petites taches de lueur verdâtre et phosphorescente disséminées deux par deux çà et là. — Ceintras allait, venait, et le bruit de ses pas lourds et brutaux d’homme retentissaient étrangement. Les coups de revolver se faisaient rares ; avec une impitoyable logique de dément, voulant anéantir une race, il ménageait ses munitions ; mais il continuait le massacre au moyen de son couteau ; de temps en temps, il s’arrêtait ; j’entendais le bruit flasque et mou de son poing armé contre la gorge d’un monstre et aussitôt, regardant du côté de ce bruit, je voyais se troubler puis s’éteindre deux des prunelles lumineuses éparses dans l’obscurité.

Et, malgré tout, je ne tuai pas Ceintras !… Lorsque l’occasion de le faire s’offrit quelques minutes plus tard, lorsqu’il passa tout près de moi, me frôlant presque, je sentis le revolver s’échapper de mes mains et je n’eus plus la force