Aller au contenu

Page:Charles Derennes Le peuple du pôle 1907.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
27
le peuple du pôle

mes études, je n’avais même plus la consolation d’imaginer en de lointaines contrées des choses nouvelles ou extraordinaires. Les hommes avaient tout visité, tout connu, violé les solitudes et raconté leurs voyages. Et c’était la Terre entière, cette Terre loin de laquelle on ne pouvait s’échapper en aucune manière, qui m’apparaissait à présent et pour toujours comme une immense prison.

À quoi bon partir, à quoi bon visiter les pays dont j’avais tant rêvé jadis, puisque j’étais condamné à y marcher éternellement sur la piste des autres ?… — J’étais arrivé trop tard sur notre planète, le mystère était banni de partout. En pensant au destin d’un Christophe Colomb ou d’un Vasco de Gama, j’éprouvais dans le secret de mon cœur le plus atroce et le plus désespérant des sentiments d’envie. Et cette étrange maladie mentale s’aggravait tous les jours. Mon rêve, que je croyais alors irréalisable, avait pris en mon esprit une forme précise et d’autant plus cruelle ; il s’était, pour ainsi dire, cristallisé en quelques mots que je me répétais constamment : « Voir ce que les yeux humains n’ont jamais vu ! » Cela devenait l’idée fixe et la torture de tous mes instants. Dans ma maison, dans les rues, dans la campagne, j’avais perpétuellement cette atroce illusion que les regards