Page:Charles Fourier Théorie des quatre mouvements 2nd ed 1841.djvu/75

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on s’indigne contre l’inconnu qui s’élève par un coup de hasard au faîte de la renommée ; on ne pardonne pas à un contemporain de pénétrer des mystères que chacun pouvait pénétrer avant lui ; on ne lui pardonne pas d’éclipser tout à coup les lumières acquises et de laisser bien loin en arrière les savants les plus illustres. Un tel succès devient un affront pour la génération existante ; on oublie les bienfaits que va donner la découverte pour ne songer qu’à la confusion dont elle couvre le siècle qui l’a manquée, et chacun avant de raisonner veut venger son amour-propre offensé. Voilà pourquoi l’on ridiculise et persécute l’auteur d’une brillante invention avant de l’avoir examinée et jugée.

On ne jalousera guère un Newton, parce que ses calculs sont si transcendants que le vulgaire scientifique n’y avait aucune prétention ; mais on attaque, on déchire un Christophe Colomb, parce que son idée de chercher un nouveau continent était si simple que chacun pouvait la concevoir comme lui. Dès lors on s’accorde à traverser l’inventeur, à empêcher l’essai de ses idées.

J’use d’un exemple pour rendre plus sensible cette malignité générale des Civilisés envers les inventeurs.

Lorsqu’un pape ignorant lançait contre Colomb les foudres de l’Église et de l’opinion, ce pape n’était-il pas le plus intéressé à voir réussir le plan de Colomb ? Sans doute ; car à peine l’Amérique fut-elle connue que le pontife distribuait des empires dans ce nouveau monde, et trouvait fort commode de profiter d’une