Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les moins entourées, ou les plus enviées. Enfin les cérémonies laïques ressemblent toujours à des cérémonies religieuses.

La raison ne procède pas de l’autorité historique. Pas plus que les majorités contemporaines les majorités historiques des générations mortes ne peuvent commander à la raison. Pas plus qu’elle n’est toujours et proprement révolutionnaire, la raison n’est toujours et proprement traditionnelle. Mais elle est proprement rationnelle, et raisonnable. C’est la méconnaître que de l’assimiler ou de l’identifier à la révolution ; c’est la méconnaître aussi que de l’assimiler ou de l’identifier à la tradition. Elle est la raison. Et n’obéissant pas à la révolution, n’obéissant pas à la tradition, elle n’obéit pas non plus à la coïncidence des deux, à la tradition révolutionnaire. Car par un accouplement singulier, par un retour inattendu, nous voyons de plus en plus les poussées révolutionnaires se cristalliser en formes traditionnelles. De plus en plus la révolution, qui est la rupture de la tradition, tend à constituer elle-même un appareil traditionnel. Et en face de ces nouvelles traditions révolutionnaires, doublement nouvelles, comme étant des traditions, puisqu’elles sont révolutionnaires, et comme étant révolutionnaires, puisqu’elles sont des traditions, la raison n’a pas trop de ses deux libertés propres : liberté qu’elle sait garder en face de la tradition, liberté qu’elle sait garder en face de la révolution.

De tout temps les mouvements révolutionnaires, les ruptures de tradition, essentiellement libres d’origine,