Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/264

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Non pas que nous voulions interdire au peuple l’accès de la raison. C’est nous au contraire qui ne voulons pas qu’il aille se casser le nez à de fausses portes. Nous demandons qu’il avance raisonnablement, sagement, rationnellement dans les voies de la raison, aussi loin qu’il peut, mais en toute probité. La raison n’use pas du mensonge, quand même le faux serait plus court. Si l’on est en face d’un auditoire qui n’entend pas la démonstration du théorème afférent au carré de l’hypoténuse, il ne faut pas fabriquer une démonstration fausse mais saisissable aboutissant à la même proposition et la présenter au peuple avec cette arrière tranquillité que ça ne fait rien puisque la vraie démonstration fournit une assurance éternellement valable, une certitude. Non, mais on dit honnêtement à ceux qui ne sont pas géomètres : Les géomètres démontrent que le carré construit sur l’hypoténuse est équivalent à la somme des carrés construits sur les côtés de l’angle droit. — Il ne faut pas oublier que la plupart des grands problèmes sont plus difficiles et demandent plus de préparation que le théorème du carré de l’hypoténuse.

Non pas que pour assurer l’indépendance, la pleine liberté de la raison, nous voulions lui instituer quelque royaume en dehors et au-dessus de l’humanité. C’est dans l’humanité même et pour l’humanité que nous entendons que la raison fonctionne. C’est l’intérêt commun de la raison et de l’humanité que l’humanité entende la voix de la raison. Les deux intérêts sont ici inséparables. Mais le fonctionnement, le travail de la raison a ceci de propre, que dans ce travail on ne doit rien