Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/281

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prolétariat sera accablé bien avant d’avoir combattu pour lui-même. Ou bien elle l’emportera ; elle brisera l’arbitraire des rois, la puissance des nobles et des prêtres, absorbera la propriété féodale, abolira les entraves corporatives : et elle s’élancera d’un mouvement si vif, si enthousiaste dans la carrière ouverte par elle, que le prolétariat sera impuissant à créer soudain un mouvement nouveau et contraire. Et il aura beau procéder par surprise et violence, tenter d’organiser « sa dictature », et de « conquérir la démocratie » par la force, sa puissance réelle ne pourra pas être élevée artificiellement au-dessus du niveau où elle était avant la Révolution bourgeoise. Miquel ne manquait pas de clairvoyance lorsqu’il écrivait à Marx dans sa fameuse lettre de 1850, et en prévision d’une reprise de Révolution : « Le parti ouvrier pourra l’emporter sur la haute bourgeoisie et les restes de la haute féodalité, mais il sera fusillé dans les flancs par les démocrates. Nous pouvons peut-être donner pour quelque temps à la Révolution une direction antibourgeoise, nous pouvons détruire les conditions essentielles de la production bourgeoise : mais il nous est impossible d’abattre la petite bourgeoisie. Obtenir autant que possible, voilà ma devise. Nous devons empêcher aussi longtemps que possible après la première victoire toute organisation des petits bour-,