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il ne voulait pas laisser la révolution, même bourgeoise, prendre d’abord une forme bourgeoise. Il voulait la capter, pour ainsi dire, à sa source même, et la dériver d’emblée vers le prolétariat. Ainsi, lorsque, en 1863, éclata le conflit entre la représentation prussienne et le ministère prussien, lorsque la bourgeoisie progressiste et libérale d’Allemagne s’agita pour défendre le droit constitutionnel menacé par Bismarck, on put se demander si le conflit n’aboutirait point à une révolution. En celle-ci, ce n’est donc pas la question sociale, la question de la propriété qui aurait été posée. Elle n’eût pas été d’origine communiste et prolétarienne, mais au contraire d’origine bourgeoise et parlementaire. Elle eût été comme la reprise de la Révolution bourgeoise allemande que Marx annonçait en novembre 1847, et qui avorta en 1848 et 1849.

Mais cette Révolution allemande, si bourgeoise qu’elle fût en ses origines, Lassalle ne voulait pas qu’elle fût bourgeoise, même un moment, dans sa manifestation et dans sa marche. C’était, selon lui, le prolétariat allemand organisé qui devait susciter du conflit bourgeois la Révolution et prendre tout de suite en main la force nouvelle des événements. Il proclamait que la bourgeoisie était sans audace, qu’elle essaierait tout au plus de revenir à la fédération allemande de 1848, et qu’il fallait au contraire