Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/347

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foncière en propriété sociale, avec un triple caractère national, communal, syndical.

Les petits propriétaires ne seraient nullement effrayés par cette transformation graduelle qui ne les menacerait point et qui aurait des formes juridiques. Et ils se rattacheraient bientôt par des liens volontaires au grand centre d’action formé par la propriété communale ou coopérative. Il se produit en ce moment dans leur esprit des modifications lentes, peu sensibles, mais dont l’effet à la longue sera décisif. D’abord, ils ont beaucoup plus que jadis foi en la science. Les voilà maintenant qui recourent à la chimie agricole et au machinisme. Ils ont le sentiment très net qu’ils ne s’arrêteront plus dans cette voie. Ils ont pu concilier leur antique passion de la terre et de la propriété individuelle avec le souci des progrès techniques, puisque ces progrès sont applicables dans les limites de la petite propriété. Mais il est bien clair qu’engagés dans cette voie ils ne peuvent plus se reprendre, et que si, à l’avenir, l’application parfaite du machinisme exigeait de leur part une certaine renonciation à la rigueur du droit individuel, aux habitudes étroites de la culture parcellaire, ils seraient, si je puis dire, entraînés au delà de leur individualisme fermé par la puissance même du mouvement scientifique auquel ils se sont dès maintenant livrés.