Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/450

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des intérêts en jeu. C’est dire qu’à la grève générale de révolution qui lui demandera le sacrifice complet de son principe même, elle opposera une résistance totale.

Or, ni l’arrêt de la production et de la circulation, ni même les violences étendues contre les propriétés et les personnes ne suffisent à faire tomber une société. Quelque puissants qu’on suppose les effets de la grève générale révolutionnaire, ils ne seront pas supérieurs à ceux des grandes guerres et des grandes invasions. Les grandes guerres arrêtent aussi ou troublent la production, suspendent ou gênent la circulation et jettent dans la vie économique un trouble qu’on pourrait supposer mortel. Et pourtant, les sociétés résistent avec une élasticité extraordinaire à des crises qu’on pouvait croire funestes, à des maux qui paraissaient accablants.

Je ne parle pas de la guerre de Cent Ans en France, de la guerre de Trente Ans en Allemagne. A travers des épreuves inouïes, les brigandages, les sièges, les ravages, les incendies, les perpétuels combats, les famines, la vie sociale se maintint. Mais dans les sociétés plus modernes, dans la société bourgeoise elle-même, que de prodigieuses secousses ! Dès la seconde moitié de 1793, la société issue de la révolution subit ou même s’inflige à elle-même, pour se défendre, des épreuves auxquelles