Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/464

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la classe prolétarienne une large redevance. Elle ne se borne pas à récupérer les avances faites par elle et à amortir l’outillage. Sur le produit du travail ouvrier et paysan, elle prélève tous les ans et indéfiniment une part notable : fermage, rente du sol, loyer des immeubles urbains, arrérages de la rente d’État, revenus des actions et obligations, bénéfice industriel, bénéfice commercial.

Ainsi, dans la société d’aujourd’hui, le travail des prolétaires ne leur appartient pas tout entier. Et comme, dans notre société fondée sur la production intensive, l’activité économique est une fonction essentielle de toute personne humaine, comme le travail est une partie intégrante de la personnalité, la personne des prolétaires ne leur appartient pas tout entière. Ils aliènent une part de leur activité, c’est-à-dire une part même de leur être, au profit d’une autre classe. Le droit humain en eux est donc incomplet et mutilé. Ils ne peuvent plus faire un acte de la vie sans subir cette restriction du droit, cette aliénation de la personne. à peine sont-ils sortis de l’usine, de la mine, du chantier, où ils ont abandonné une partie de leur effort pour créer le dividende et le bénéfice, à peine sont-ils rentrés dans le pauvre appartement où est entassée leur famille, nouvel impôt, nouvelle redevance pour créer le loyer. En même temps,