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de la propriété individuelle

J’ai lu avec passion le beau livre, tout récemment paru chez Giard et Brière, où M. Henri Sée trace l’histoire des classes rurales et du régime domanial en France et au Moyen-Age. Il a marqué avec force la complication changeante et la transformation perpétuelle de la propriété.


« Il apparaît clairement aussi, dit-il dans sa conclusion, qu’au Moyen-Age l’on a de la propriété une conception sensiblement différente de celle qui nous est familière. Ne voit-on pas, à la fois, le suzerain, le vassal et le tenancier exercer, à des titres différents, des droits sur la terre ? Le paysan, usufruitier héréditaire de sa tenure, peut être, en un sens, considéré comme propriétaire ; que les droits domaniaux disparaissent, et la terre qu’il cultive lui appartiendra sans restriction. Les droits d’usage, dont jouissent collectivement les habitants d’un même domaine, constituent aussi, à certains égards, une véritable propriété. C’est dire que la propriété, au Moyen-Age, a un caractère plus complexe, beaucoup moins abstrait et tranché que de nos jours. Loin d’être immuable, le concept de propriété s’est donc modifié au cours des siècles ; nul doute qu’il ne se modifie encore à l’avenir, qu’il ne suive dans leurs évolutions les phénomènes économiques et sociaux. »