Page:Charles Perrault - Les Contes de Perrault, edition Feron, Casterman, 1902.djvu/32

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toutes les personnes de qualité. Nos deux demoiselles en furent aussi priées, car elles faisaient grande figure dans le pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur siéraient le mieux. Nouvelle peine pour Cendrillon, car c’était elle qui repassait le linge de ses sœurs et qui godronnait leurs manchettes. On ne parlait que de la manière dont on s’habillerait. — Moi, dit l’aînée, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d’Angleterre. — Moi, dit la cadette, je n’aurai que ma jupe ordinaire ; mais, en récompense, je mettrai mon manteau à fleurs d’or et ma barrière de diamants, qui n’est pas des plus indifférentes. — On envoya quérir la bonne coiffeuse pour dresser les cornettes à deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse.

Elles appelèrent Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait le goût bon. Cendrillon les conseilla le mieux du monde, et s’offrit même à les coiffer ; ce qu’elles voulurent bien. En les coiffant, elles lui disaient : « Cendrillon, serais-tu bien aise d’aller au bal ? — Hélas ! mesdemoiselles, vous vous moquez de moi ; ce n’est pas là ce qu’il me faut. — Tu as raison, on rirait bien, si on voyait un Cendrillon aller au bal. — Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers ; mais elle était bonne, et elle les coiffa parfaitement bien.

Elles furent près de deux jours sans manger, tant elles étaient transportées de joie. On rompit plus de douze lacets, à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant le miroir. Enfin l’heureux jour arriva ; on partit, et Cendrillon les suivit des yeux, le plus longtemps qu’elle put.

Lorsqu’elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa marraine, qui la vit tout en pleurs, lui demanda ce qu’elle avait, « Je voudrais bien… je voudrais bien… » Elle pleurait si fort qu’elle ne put achever. Sa marraine, qui était fée, lui dit : « Tu voudrais bien aller au bal, n’est-ce pas ? — Hélas ! oui, dit Cendrillon en soupirant. — Eh bien ! seras-tu bonne fille ? dit sa marraine, je t’y ferai aller. » — Elle la mena dans sa chambre, et lui dit : Va dans le jardin, et apporte-moi une citrouille. » — Cendrillon alla aussitôt cueillir la