Page:Charles Perrault - Les Contes des fees, edition Giraud, 1865.djvu/124

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pour sauver sa vie, de couper la gorge à la reine, et monta dans sa chambre dans l’intention de n’en pas faire à deux fois. Il s’excitoit à la fureur, et entra, le poignard à la main, dans la chambre de la jeune reine ; il ne voulut pourtant point la surprendre, et il luy dit avec beaucoup de respect l’ordre qu’il avoit receu de la reine-mere.

« Faites vostre devoir, luy dit-elle en luy tendant le col ; executez l’ordre qu’on vous a donné ; j’irai revoir mes enfans, mes pauvres enfans, que j’ay tant aimez ! » Car elle les croyoit morts, depuis qu’on les avoit enlevez sans luy rien dire.

« Non, non, Madame, lui répondit le pauvre maistre d’hôtel tout attendri, vous ne mourrez point, et vous ne laisserez pas d’aller revoir vos chers enfans ; mais ce sera chez moy, où je les ay cachez, et je tromperay encore la reine, en luy faisant manger une jeune biche en vostre place. »

Il la mena aussitost à sa chambre, où, la laissant embrasser ses enfans et pleurer avec eux, il alla accommoder une biche, que la reine mangea à son soupé, avec le même appetit que si c’eut esté la jeune reine. Elle estoit bien contente de sa cruauté et elle se préparoit à dire au roy, à son