Page:Charles Perrault - Oeuvres choisies, édition 1826.djvu/232

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ible malpropreté de ses habits les dégoûta ; elles voulurent lui en donner d’autres ; mais elle leur dit qu’elle en changerait le lendemain, et que pour l’heure qu’il était elle allait songer à les servir. Comme elle achevait de parler, Finette revint de sa chambre. Cette princesse fut étrangement surprise de voir cette inconnue avec ses sœurs ; elles lui dirent pour quelles raisons elles l’avaient fait monter ; et Finette qui vit que c’était une chose faite, dissimula le chagrin qu’elle eut de cette imprudence.

Cependant la nouvelle officière des princesses fit cent tours dans le château, sous prétexte de leur service, mais en effet pour observer la disposition du dedans ; car, madame, je ne sais si vous ne vous en doutez déjà ; mais cette gueuse prétendue était aussi dangereuse dans le château que le fut le comte Ory dans le couvent où il entra, déguisé en abbesse fugitive.

Pour ne pas vous tenir davantage en suspens, je vous dirai que cette créature couverte de haillons était le fils aîné d’un roi puissant, voisin du père des princesses. Ce jeune prince, qui était un des plus artificieux esprits de son tems, gouvernait entièrement le roi son père, et il n’avait pas besoin de beaucoup de finesse pour cela ; car ce roi était d’un caractère si doux et si facile, qu’on lui avait donné le surnom de Moult-Benin[1]. Pour le jeune prince,

  1. Beaucoup benin