Page:Charles Perrault - Oeuvres choisies, édition 1826.djvu/256

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ciel ! peut-on songer à vouloir, punir une femme d’avoir trop de vertu ? Eh bien ! Riche-Cautèle, j’ai satisfait ton injuste vengeance ; mais je vais venger Finette à son tour par ma mort. Oui, belle princesse, il faut que la même épée…. »

À ces mots, Finette entendit que le prince qui, dans son transport, avait laissé tomber son épée, la cherchait pour se la passer au travers du corps : elle ne voulut pas qu’il fît une telle sottise ; ainsi elle lui cria : « Prince, je ne suis pas morte. Votre bon cœur m’a fait deviner votre repentir ; et, par une tromperie innocente, je vous ai épargné un crime. »

Là-dessus Finette raconta à Bel-à-Voir la prévoyance qu’elle avait eue touchant la femme de paille. Le prince, transporté de joie d’apprendre que la princesse vivait, admira la prudence qu’elle avait en toutes sortes d’occasions, et lui eut une obligation infinie de lui avoir épargné un crime auquel il ne pouvait penser sans horreur ; et il ne comprenait pas comment il avait eu la faiblesse de ne pas voir la nullité des malheureux sermens qu’on avait exigés de lui par artifice.

Cependant, si Finette n’eût pas toujours été bien persuadée que défiance est mère de sûreté, elle eût été tuée, et sa mort eût été cause de celle de Bel-à-Voir ; et puis après on aurait raisonné à loisir sur la bizarrerie des sentimens de ce prince. Vive la prudence et la présence d’esprit ! elles préservèrent ces