Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/271

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BALLADE.

     Je n’ai plus soif, tarie est la fontaine,
Repeu je suis de competent viande,
J’ai pris treves affîn que on ne me actaine,
Dissimulant, fault que le hurt actende ;
Adjoint des deux, sans que nul vilipende,
Je festie l’un, à l’austrefois la moue ;
En ce faisant, pour éviter escande.
Entre deux eaues, comme le poisson, noue.
     En grant travail j’ai frapé la quintaine,
Jusques ung temps fault qu’à repos entende ;
Pour obvier à voye trop haultaine,
Le moien tiens, affin que ne descende ;
J’ai eu delay de paier mon amende ;
En courroux faint, couvertement me joue,
En reculant pour mieulx saillir en lande.
Entre deux eaues, comme le poison, noue.
     Ne vert, ne meur, mon blé mengue en graine,
Dueil et plaisir me tiennent en commande ;
En divers lieux çà et là me pourmaine ;
La moitié fois, quant tout l’en me commande ;
À demy trait lors est que l’arc debande,
Pour abréger, ne l’un ne l’autre loue.
Participant de l’une et l’autre bande,
Entre deux eaues, comme le poisson, noue.


ENVOI.

     Par priere de affaictée demande,
Interrogé se l’ung ou l’autre avoue,
À ce respons, se aucun le me demande :
Entre deux eaues, comme le poisson, noue.