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CHARLES D’ORLÉANS.

Doit departir mercy à grant largesse.
De vous servir sera plus obligié,
Se franchement son mal est allegié ;
Et si mettra paine de desservir
Voz grans biensfais, par loyaument servir, »
     Amour respont : « Beauté, si sagement
Avez parlé et raisonnablement
Que pardonner lui vueil la malvueillance
Qu’ay eu vers lui, car par oultrecuidance
Me courrouça quant, comme foul et nice,
Il refusa d’entrer à mon service ;
Faittes de lui ainsi que vous vouldrés,
Content me tiens de ce que vous ferés,
Tout le soubzmetz à vostre voulenté,
Sauve, sans plus, ma souveraineté. »
     Beauté respont : « Sire, c’est bien raison
Par dessus tous et sans comparaison,
Que pour seigneur et souverain vous tiengne.
Et ligement vostre subgiet deviengne.
Premierement devant vous jurera
Que loyaument de cueur vous servira,
Sans espargnier, soit de jours ou de nuis,
Paine, soussy, dueil, courroux ou ennuis ;
Et souffrera sans point se repentir,
Les maulx qu’amans ont souvent à souffrir.
     Il jurera aussi secondement
Qu’en ung seul lieu amera fermement.
Sans point quérir ou desirer le change ;
Car, sans faillir, ce seroit trop estrange
Que bien servir peust un cueur en mains lieux,
Combien qu’aucuns cueurs ne demandent mieulx
Que de servir du tout à la volée,
Et qu’ilz ayent d’amer la renommée ;
Mais au derrain ilz s’en treuvent punis
Par Loyauté dont ilz sont ennemis.