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Page:Charles d Orléans - Poésies complètes, Flammarion, 1915.djvu/68

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CHARLES D’ORLÉANS.

Querra honneur et poursuivra vaillance.
Le quatriesme qu’il soit plain de largesse,
Car c’est chose qui avance noblesse.
Le cinquiesme qu’il suivra compaignie
Amant honneur et fuiant villenie.
     Le sixiesme point et le derrenier
Est qu’il sera diligent escollier,
En aprenant tous les gracieux tours,
À son povoir, qui servent en amours,
C’est assavoir à chanter et dansser,
Faire chançons et balades rimer,
Et tous autres joyeux esbatemens.
Ce sont ycy les dix commandemens,
Vray Dieu d’Amours, que je feray jurer
À cest enfant, s’il vous plaist l’apeller. »
     Lors m’apella, et me fist les mains mettre
Sur ung livre, en me faisant promettre
Que feroye loyaument mon devoir
Des points d’amours garder, à mon povoir ;
Ce que je fis de bon vueil lyement.
Adonc Amour a fait commandement
À Bonne Foy, d’Amours chief secrétaire,
De ma Lettre de retenue faire.
Quant faitte fut, Loyaulté la scella
Du scel d’Amours et la me délivra.

Ainsi Amour me mist en son servage.
Mais pour seurté retint mon cueur en gage,
Pourquoy lui dis que vivre ne pourroye
En cest estat, s’un autre cueur n’avoye.
Il respondit : « Espoir, mon medicin,
Te gardera de mort soir et matin,
Jusques atant qu’auras en lieu du tien
Le cueur d’une qui te tendra pour sien.
Gardes tousjours ce que t’ay commandé,
Et je t’auray pour bien recommandé. »