Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/106

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dans cette ville sans y voir ce qu’il y avoit de plus curieux. Quant au cabinet de Setalla, si célébré dans toutes les relations de Milan, il a le sort de tous les cabinets, qui est de dépérir peu à peu. Les héritiers du chanoine Setalla ont vendu ou donné une partie des raretés qui le composoient. On peut pourtant s’amuser encore de quelques bonnes choses qui restent dans les huit ou dix salles qui composent le cabinet et qui sont remplies de beaucoup de chiffonnories. On y voit encore plusieurs belles agatesonyx antiques, de la pierre et de la toile d’amiante qu’on jette dans le feu pour la blanchir, diverses machines pour le mouvement perpétuel ; l’une desquelles est composée d’une balle de plomb qui, après être descendue très-longtemps le long d’une longue ligne spirale, tombe dans un canon de pistolet qui, au moyen d’un ressort comprimé par la chute de la balle, la tire contre un dôme incliné qui la fait rejaillir dans un entonnoir, d’où elle coule sur la ligne spirale, et toujours de même ; un plat-bassin d’ambre jaune, large de deux pieds et fort mmce ; des morceaux de momie d’Égypte ; des idoles, des dyptiques, sans parler des basilics longs de cinq ou six pieds, et autres pauvretés de cette espèce, non plus que d’une armoire de laquelle tout d’un coup il sort une effroyable figure de démon qui se met à rire, à tirer la langue et à cracher au nez des assistants, le tout avec un énorme bruit de chaînes de fer et de rouages fort propre à causer une grande épouvante aux femmes, à qui souvent on la fait voir.

Quelques-uns des auteurs qui, écrivant sur l’histoire de la papesse Jeanne, ont soutenu l’affirmative, se fondent en partie sur un manuscrit d’Anastase le bibliothécaire, presque contemporain de la papesse, et qui contient son histoire. L’un d’eux assure que l’on tient ce manuscrit dans l’obscurité, et qu’ayant demandé à le voir, on le lui a refusé. C’est une façon aisée de se dispenser d’en rapporter les paroles ; mais, au cas que cela soit vrai, je puis dire que j’ai été plus heureux. Le docteur Sassi m’a communiqué sans difficulté tous les manuscrits d’Anastase qui sont à l’Ambroisienne, au nombre de trois, et j’ai bien exactement vérifié ce qu’ils contiennent, par où on pourra juger s’ils sont favorables ou non à la fable de la papesse Jeanne.