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j'ai pour lui. L'intérieur du théâtre est composé d'une
quantité de salles peu jolies ou l'on tient tous les jours la
conversation, les académies des beaux esprits, etc. Cette
académie s'assemble fort rarement : on la nomme des
Philharmoniques. Son institution avoitpour but de renou-
veler la musique ancienne. Les académiciens dévoient
savoir jouer du barbitus, de la cithare et du sistre ; mais,
comme beaucoup d'autres académiciens, ils ne font rien
de ce qu'ils devroient faire ; de sorte que je fus frustré de
l'espérance que j'avois conçue de voir exécuter une cantate
dont les paroles seroient de Pindare et la musique de
Thimothée. Les salles sont remplies des statuts de l'aca-
démie, écrits d'une façon fort fastueuse, en style de lois
des Douze-Tables, et de tous les portraits des académi-
ciens. Mais au diable si l'on y voit ceux de Pline le natu-
raliste ni de Catulle, leurs compatriotes ; ce qui cependant
n'auroit point fait de tort à l'académie.
J'ai vu depuis les statues de Pline, de Catulle, de
Vitruve, de Cornélius Nepos et d'^Emilius Macer sur la
façade du palais du conseil ; celle de Jérôme Fracastor
est au-dessus de l'Arc Barbare. On trouve aussi dans le
même palais de l'Académie le théâtre effectif de l'Opéra,
qui ne vaut pas celui de Mantoue, mais plus beau cepen-
dant qu'aucun qui soit en France. Vis-à-vis le théâtre est
le palais de la Grande-Garde, construit d'un grand goût
d'architecture par le Palladio, mais qui est demeuré im-
parfait. Il donne sur la principale place, au milieu de
laquelle la statue de la ville de Venise, en habit de doge,
est assise sur un piédestal en marque de souveraineté.
Vérone est traversée, dans sa plus grande longueur,
par l'Adige, rivière large, rapide et blanchâtre comme
toutes celles qui descendent des Alpes, c'est-à-dire
comme les plus considérables de l'Europe. On voit en
face sur la colline, de l'autre côté de l'eau, le château
Saint-Pierre, des jardins et constructions qui, joints à la
figure des bâtiments sur la rivière, lui donnent, à mon
gré, de la ressemblance avec la ville do Lyon, du côté de
Fourvières. On passe la rivière sur quatre ponts de pierre
qui n'ont rien de remarquable. Les maisons, pour la plu-
part, étaient peintes à fresque de la main de Véronese ou
de ses élèves ; mais tout cela est tellement effacé que l'on
n'y voit presque plus rien. Les endroits qui paraissent