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sens à une place publique, figurée par la plaie-forme.
Dans ce théâtre de Palladio, les scènes forment une ville
effective de bois et de carton. Ceci sert fort bien à expliquer
tant à'à-parte et de longs discours qui se trouvent dans
les comédies anciennes, ou quelquefois deux ou trois
troupes d'acteurs parlent en même temps, sur le théâtre,
de choses différentes, sans s'entendre ni s'apercevoir,
ce qui se comprend fort bien, quand on voit que les diffé-
rents acteurs pouvoîent être placés dans plusieurs rues
où les spectateurs les découvroient, sans qu'ils pussent
se découvrir les uns et les autres. Cette espèce de théâtre
a sur les nôtres l'avantage que tout le monde, par cette
disposition circulaire, est près des acteurs, et que la voix
montant toujours, on entend également bien partout.
Mais, outre que ces sortes de théâtres ne sont bons qu'en
très-grand, comme les faisoient les Romains, et non en
petit, ils seroient très-incommodes pour les dames ; et
c'est un défaut capital que le spectacle, au lieu d'être vu
de bas en haut comme cela se doit, est toujours plongé
de haut en bas ; ce qui seul suffiroit pour faire préférer la
forme des nôtres. Aussi on no s'en sert point pour les
pièces dramatiques, mais seulement pour donner des
bals et pour les séances publiques des académiciens.
Après avoir vu les ouvrages publics de Palladio, nous
allâmes voir sa propre maison où nous aperçûmes que
dans un fort petit espace il avait rassemblé toute
l'architecture extérieure et toutes les commodités inté-
rieures qui se pouvoient trouver dans le terrain.
Je crois que j'ai fait partout un chapitre particulier de
la coiffure des femmes. Ici elles se couvrent la tête de
trois ou quatre milliers d'épingles à grosses têtes d'étain ;
cela ressemble à un citron piqué de doux de girofle.
À Padoue, elle s'affublent d'une grande mante de satin
noir qui retombe sur le dos, puis sur le devant en écharpe.
Celles-là semblent figurer le sacrifice d'Iphigénie. Cela
s'entend toujours du peuple ; car les gens de condition,
hommes et femmes, sont partout vêtus comme en
France.
Je ne suis pas encore si sensible au plaisir de voir les
belles choses des villes qu'à celui de jouir du spectacle de
la campagne dans ce pays charmant. Peut-être que le
terrain qui- est entre Vicence et Padoue vaut seul le voyage