Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/147

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rien accorder qu’à la seconde entrevue, parce que, disent-elles, il faut connoître avant que d’aimer. Au moyen de ce, on leur fait au moins deux visites, et elles reçoivent des appointements doubles pour un seul service. Je crois que voilà un chapitre traité à fond. Je l’ai fait de la sorte en votre faveur, parce que je sais que vous êtes fort vicieux, et afin que vous n’ayez rien à désirer, j’ajouterai que les femmes sont plus belles ici qu’en aucun autre endroit, surtout parmi le peuple. Ce n’est pas qu’on y trouve plus qu’ailleurs des beautés ravissantes ; mais communément le grand nombre est joli et en général elles ont toutes la taille et le teint beaux, la bouche grande et agréable, les dents blanches et bien rangées.


LETTRE XV

À M. DE NEUILLY


Suite du séjour à Venise.
20 août.


La noblesse de Venise est, si je ne me trompe , la plus ancienne de l’Europe (j’entends les premières maisons), puisqu’il en subsiste plusieurs de celles qui élurent le premier Doge, il y a plus de 1,300 ans. Ils ont, tant dans l’ancienne que dans la moderne noblesse, entre laquelle par parenthèse il n’y a point de différence comme à Gênes, beaucoup de familles puissamment riches ; bien entendu que la république met bon ordre à ce qu’elles ne le deviennent pas trop. Par exemple, en dernier lieu, la Pisani, héritière de 150 mille ducats de rente, vouloit se marier à un homme de son nom presque aussi riche qu’elle ; non seulement l’État le lui a défendu, mais il l’a obligée d’en épouser un autre qui n’avoit rien. Cette noblesse se perpétue sûrement, et prouve sa descendance par le registre appelé le Livre d’or, où l’on inscrit tous les nobles qui naissent : ceux qui auroient omis de s’y faire inscrire ne seroient pas nobles ; aussi y a-t-il des