Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/160

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par où (car l’aigle qui est dessus ne le tient presque point), est suspendu au plafond. Mais tout cède à la beauté inimitable de la Léda et de son cygne. C’est une fille qui aime l’ordre et l’arrangement ; à cet effet, elle a la main passée, je ne sais comme, pour mettre chaque chose à sa place. C’est une expression qui ne peut se figurer, et au-dessus de tout ce que j’ai jamais vu dans les originaux vivants, et cependant j’en ai bien vu.

Il faut que vous preniez votre mal en patience sur le Stace ; vous ne l’aurez point, il n’a point été imprimé ici, non plus qu’aucun des rares ad usum Delphini. Il faut encore vous détacher d’avoir, du moins de très-longtemps, la suite du Musœum FLorentinum ; mais si vous voulez en récompense le Musœum Venetianum, qu’on grave à présent, vous en êtes le maître. Voilà le prospectus où vous trouverez tout le détail de ce que contient cet ouvrage. Je l’ai vu ; il est fort bien exécuté ; les gravures sont belles et sans hachures, dans le goût de Mellan. Au cas que vous en soyez curieux, je vous porterai le premier tome qui est presque fini ; il n’y aura que deux volumes. Ce sont de jeunes filles qui travaillent à cet ouvrage ; il est enrichi de plusieurs pierres gravées tirées du fameux cabinet de Tiepolo, qu’il faut que vous voyiez quand vous serez ici, et de celui d’Antonio Zanetti, célèbre brocanteur. N’oubliez pas non plus de voir en passant le cabinet de livres recherchés de l’anglais Smith, où il a rassemblé une rare collection d’éditions de 1400.

Ne vous figurez pas que les canaux qui forment ici les seules rues praticables, aient des quais ; presque tous n’en ont point : la mer bat jusque sur le seuil des portes de chaque maison. Dès qu’on en sort, on a le pied dedans. Cela n’en est peut-être pas mieux ; mais cela est plus singulier, et n’est pas plus embarrassant pour sortir. Ceux qui n’ont point de gondoles à eux trouvent à chaque instant des fiacres aquatiques dans les carrefours ; et, comme cette ville est toute d’ilôts et de pilotis, chaque maison a aussi son issue sur la terre. Les rues, sans nombre, sont étroites à ne pouvoir passer deux de front sans se coudoyer, toutes pavées de pierres plates, ce qui les rend glissantes à l’excès à la moindre pluie : elles se communiquent par cinq cents ponts ou plus. Le labyrinthe de Dédale n’y fait œuvre ; aussi ne servent-elles que pour le