LETTRE XXVII
Si je m’en souviens bien, mes chers Blancey et Neuilly, vous me laissâtes en dernier lieu à Livourne, pestant d’importance contre la pluie. Voyant donc qu’elle vouloit avoir le dernier avec moi, je pris, d’une âme héroïque, la résolution de me mouiller, plutôt que de rester plus longtemps prisonnier.
Figurez-vous une petite ville de poche toute neuve, jolie à mettre dans une tabatière, voilà Livourne. Elle débute aux yeux du voyageur par des fortifications construites et entretenues avec une propreté charmante ; elles sont de briques ainsi que la ville entière. Les fossés, revêtus de même, sont remplis par l’eau de la mer. On entre par une rue large et longue, tirée au cordeau, à laquelle aboutissent les deux portes de la ville. Presque toutes les rues sont, de même, alignées ; les maisons plus hautes dans la partie de la ville à gauche ou demeurent les juifs, mais plus agréables dans celles de la droite, où l’on a creusé des canaux, pleins de l’eau de la mer, comme à Venise, et bordés de quais de part et d’autre.
La grande rue est interrompue par une place carrée, fort vaste, terminée d’un bout à la maison d’un négociant, beaucoup plus belle que le palais du Grand-Duc qui l’avoisine, et de l’autre à la principale église catholique. Cette église a meilleure mine que bien des cathédrales de ma connaissance, ne fût-ce que par son riche plafond peint et doré, et par ses marbres de brèche violette.
La plupart des maisons de la ville étoient peintes à fresque, ce qui devoit faire un fort joli effet ; mais le voisinage de la mer, ennemie naturelle de toute peinture, les a presque entièrement effacées.