Page:Charles de Brosses - Lettres familières écrites d’Italie - ed Poulet-Malassis 1858.djvu/309

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Le tableau du souterrain contient trois figures groupées sur un fond rougeâtre, tout uni, comme si on l’eût peint sur du papier coloré. Il représente un homme nu, debout, de hauteur naturelle, ayant à ses pieds deux enfants qui lui embrassent les genoux. On voit au bas du tableau, dans l’angle, la tête d’un monstre assez difforme. On ne peut guère douter que la figure principale ne soit un Thésée, à qui les enfants d’Athènes rendent grâces après la défaite du Minotaure. Les figures sont d’une grande correction de dessin : l’attitude et l’expression sont belles, quoique la figure principale soit un peu roide et tienne de la statue ; mais le coloris n’est pas bon, soit par la faute du peintre, soit qu’il ait été altéré par le temps et le séjour dans la terre. Tel qu’il est, on doit souhaiter qu’il se puisse conserver ; car un des grands inconvénients de ces peintures antiques est, qu’après avoir été tirées du sein de la terre en état passable, elles dépérissent en peu de temps sitôt qu’elles sont exposées au grand air. Un ouvrier croit avoir trouvé un vernis qui préviendra ce dépérissement. Il en avoit fait usage sur le Thésée ; et, jusque-là, on avoit lieu de se flatter de la réussite.

Vous savez combien le peu de tableaux de la peinture antique qui nous restent, rendent précieux ce que nous en avons. Si la Noce Aldobrandine l’emporte sur le Thésée pour la beauté de l’ouvrage et pour la correction du dessin, l’autre l’emporte à son tour par l’étendue et par la grandeur des figures, qui d’ailleurs sont groupées d’une manière convenable au sujet ; au lieu que dans la Noce elles sont toutes rangées à la file, comme dans un bas-relief. Ni l’un, ni l’autre de ces tableaux, il faut l’avouer, n’a de perspective ; mais il semble que ce que l’on peut le plus justement reprocher aux anciens est le défaut d’ordonnance et de distribution des masses : quand le coloris d’une pièce est entièrement perdu, est-il bien aisé de juger de sa perspective, de son clair-obscur et des couleurs locales ? On doit cependant convenir que nous surpassons en ceci les anciens autant qu’ils nous surpassent dans l’article du dessin. L’hyperbole du Poussin est excessive, lorsqu’il dit que, si Raphaël, comparé aux autres modernes, est un ange pour le dessin, il est un âne comparé aux anciens. Peut-être que le Poussin, trop accoutumé à la sévérité du dessin des statues antiques qu’il copioit sans