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la situation qu’occupe aujourd’hui le poëte vis-à-vis du musicien, elle n’eût pu être employée par lui que dans une mesure fort limitée et ne fût jamais parvenue à la puissance d’expression qu’on lui reconnaît à présent. Il fallait donc que le musicien crût possible la réalisation de desseins irréalisables ; il fallait que la musique tombât dans cette erreur, — elle qui n’est qu’un simple mode d’expression — de vouloir déterminer d’une façon claire et complète certaines idées, de s’engager dans la téméraire entreprise de concevoir des plans, d’exprimer des pensées absolues, lorsqu’en réalité elle doit se renfermer dans un rôle secondaire.

La musique dans l’opéra s’est en conséquence développée en deux sens bien différents : dans le genre sérieux, grâce à tous les musiciens qui croyaient que leur art assumerait, sur lui, la reponsabilité de réaliser le but du drame ; dans le sens frivole, grâce aux musiciens qui, sentant d’instinct l’impossibilité de résoudre un problème contraire à la nature des choses, tournèrent le dos à ce problème, et préoccupés exclusivement de jouir des avantages que sa grande extension avait faits à la musique, s’adonnèrent sans réserve à une sorte d’empirisme