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teurs d’opéra. Ceux-ci ont conçu la mélodie comme une chose achevée et placée en dehors de leur travail artistique. Ils ont emprunté la mélodie à la création organique de laquelle ils n’avaient pris aucune part, sur les lèvres du peuple. Ils l’ont arrachée ainsi de son organisme, et l’ont appliquée suivant leur arbitraire, sans justifier autrement cette application que par la fantaisie du plaisir. Si cette mélodie populaire était la forme extérieure de l’homme, les compositeurs d’opéra ont, en quelque sorte, dépouillé cet homme de sa peau, et l’ont couvert d’un mannequin comme pour lui donner une apparence humaine. De cette façon ils ont pu tromper tout au plus les sauvages civilisés, à savoir le public superficiel de notre opéra.

Chez Beethoven, au contraire, nous reconnaissons le désir naturel de tirer la mélodie de l’organisme intérieur de la musique. Dans ses œuvres les plus importantes, il ne donne nullement la mélodie comme une chose achevée d’avance, mais il la fait naître de ses organes, en quelque sorte sous nos yeux ; il nous initie à cet acte de génération, en nous l’exposant suivant sa nécessité organique. Mais ce que le maître