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Page:Charnay Désiré Aventures d'une famille en voyage 1898.djvu/34

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le bas. Acajous, cèdres et cyprès se disputaient le passage au milieu des lianes envahissantes, tandis que des palmiers au tronc frêle, dont la taille moyenne n’atteint pas dix mètres, se glissaient victorieux jusque dans les hauts, en s’aidant de leurs voisins plus vigoureux. Combien cependant succombaient dans cette lutte sans merci ! On voyait de ces palmiers si longs, si faibles et si ténus que, l’appui venant à leur manquer, ils étalaient sur le sol leur tige convulsée comme les replis d’un immense boa ; et l’on voyait d’autres jeunes arbres dont les tiges grêles, après de vains efforts pour arriver, laissaient retomber leur tête inerte, comme vaincus et désespérés.

Dans les dessous se développait la famille des arbustes qui aiment l’ombre, entremêlés de jeunes lataniers dont les pédicules géants, partant, du sol, soutenaient d’immenses palmes de deux et trois mètres de large.

Depuis longtemps la caravane avançait sans que nul autre bruit que les voix des Indiens interpellant les mules vînt distraire les voyageurs des soins apportés à leur sûreté, lorsque sur la gauche éclata tout à coup un concert formidable qui fit tressaillir chacun. C’étaient des hurlements rauques, espèce de rugissements d’une puissance telle qu’on pouvait les entendre à plusieurs kilomètres de distance. « Monos, monos, dit Bénito. — Qu’est-ce que cela ? fit Pancho. — C’est une troupe de singes, répondit Sulpice. — Courons après, dis, veux-tu, père ? » poursuivit François. Eléonore se récria.

Les singes continuaient leur vacarme, et d’Artagnan, brave d’habitude, s’était arrêté confondu, la queue basse et hurlant à son tour. « Vas-y, mon enfant, dit Frémont, je n’y vois nul danger si Bénito et Sulpice t’accompagnent ; emportez les deux winchesters, et surtout rejoignez-nous bientôt. » Les voix retentissaient si éclatantes que les singes ne devaient pas être loin. Bénito prit la tête suivi de Sulpice, avec François en arrière-garde. D’Artagnan, après une longue hésitation, suivit son jeune maître. En cinq minutes de marche la petite troupe atteignit une clairière où disséminée sur les branches, à toutes les hauteurs,