Page:Charnay Désiré Aventures d'une famille en voyage 1898.djvu/37

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— Ah ! Le vilain homme, fit Éléonore.

— Quel coquin ! ajouta François.

— Oui, mes enfants, oui, vous avez raison ; c’étaient de fort cruelles gens que ces Espagnols. On avait donc coupé un bras et une jambe au blessé, et l’on avait placé la pauvre bête ainsi mutilée devant un pécari afin qu’il le dévorât. Mais il arriva une chose bien étrange ; c’est que le vaillant animal enveloppa le groin du pécari avec sa queue prenante et l’assomma de l’unique main qui lui restait.

— C’était en effet bien étonnant, dit Frémont, encore que la force de préhension de cette queue soit extraordinaire.

— Plus tard, poursuivit Sulpice, Pedro Arias Davila, traversant l’isthme pour aller fonder Panama, eut à soutenir un véritable siège de saraguatos, qui accablèrent, sa troupe de pierres et de branches comme il nous est arrivé tout à l’heure, de sorte que l’un des arquebusiers eut la mâchoire fracassée.

— Bien fait, dit Pancho.

— Eh bien, et si les singes, quand vous êtes allés les attaquer, t’avaient aussi brisé la mâchoire ?

— C’est vrai », répondit l’enfant.

Sulpice dépouillait la queue du singe et fit remarquer à ses élèves qu’elle ne formait qu’un tissu de fibres nerveuses qui lui prêtait une grande force et qui en faisait un cinquième membre, plus puissant et, pour l’animal, plus utile que les autres.

« Comme la queue du kangourou, observa Frémont.

— Parfaitement, et c’est ce qui va nous expliquer ce que raconte Acosta de ces mêmes singes hurleurs. En passant de Nombre dé Dios à Panama, il prétend avoir vu sauter l’un d’eux du bord d’un ruisseau à l’autre bord en s’élançant d’une branche d’arbre à laquelle il s’était suspendu avec sa queue ; il ajoute que lorsque la rivière était trop large, le plus fort des singes s’accrochait de la même manière, puis un autre le saisissait avec la sienne en même temps qu’avec ses pattes de derrière, un troisième, un quatrième et d’autres encore à la file venaient former la chaîne jusqu’à ce qu’elle fût assez longue ; ils lui donnaient alors