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tivement facile. On atteignit la rivière, sur les bords de laquelle, dessinées sur la terre humide, on distinguait des empreintes diverses, traces du passage des fauves.

On fit halte pour les examiner, et l’Indien, fort expert en la matière, les eut bientôt reconnues.

« Tiens, Talita, fit-il en s’adressant à François, regarde : voici des pieds de jabali, sanglier » ; et il montrait à l’enfant deux trous profonds accompagnés de deux autres empreintes du même genre, mais à peine indiquées, qui ne pouvaient avoir été dessinées que par les pieds d’un cochon sauvage. « Voilà tout auprès les sabots d’un chevreuil. » Et, continuant son enquête : « Oh ! oh ! fit-il.

— Quoi donc, Bénito ? lui demanda Sulpice.

— Voyez vous-même, docteur. Les reconnaissez-vous ?

— Parfaitement ; ce sont là les empreintes de la patte veloutée du jaguar.

Tigre real ! dit l’Indien.

— Un tigre royal ! Non, dit François, il n’y a pas de tigre en Amérique ; il n’existe que dans l’Inde et en Asie ; le tigre d’Amérique n’est qu’un jaguar.

— Bravo ! mon petit, reprit Sulpice, bravo ! je vois que tu profiles de mes leçons ; tu peux ajouter que le jaguar n’a rien de la férocité de son royal cousin. »

Cependant l’Indien continuait le cours de ses observations et découvrait à chaque pas des empreintes nouvelles. Pachydermes, ongulés, carnivores, mammifères, gallinacés, oiseaux de toutes sortes, la faune entière avait laissé les traces de son passage sur les bords de la petite rivière où elle venait se désaltérer. Tout à coup une exclamation plus violente du nouveau Bas-de-Cuir attira près de lui ses deux compagnons. « Un antéburro ! » disait-il, montrant à Sulpice des empreintes semblables à celles du sanglier, mais énormes et profondes.

« Un antéburro ! un tapir ! » fit Sulpice.

Ces empreintes semblaient fraîches, de la nuit même, peut-être de la matinée.

« Caramba ! poursuivit le naturaliste, c’est une grosse bête que