Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/106

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écrit, il n’en est pas besoin : je ne puis l’oublier. Je n’ai pas tout compris, mais les paroles sont gravées dans ma tête. J’expliquerai ce que vous m’avez dit par les choses que je verrai, que je lirai, par celles que j’ai déjà vues et lues, et ces choses-là je les expliquerai par celles que vous m’avez dites. Tout cela s’éclaircira mutuellement. Aidez-moi quelquefois, maman, à faire des applications comme autrefois quand vous me disiez : « Voyez cette petite fille, c’est cela qu’on appelle être propre et soigneuse ; voyez celle-là, c’est cela qu’on appelle être négligente. Celle-ci est agréable à voir, l’autre déplaît et dégoûte. » Faites-en autant sur ce nouveau chapitre. C’est tout ce dont je crois avoir besoin, et à présent je ne veux m’occuper que de mon ouvrage.

Le jeune lord est venu comme on l’en avait prié. La partie d’échecs est fort bien allée. Milord me dit une fois pendant la soirée : vous me trouverez bien bizarre, madame ; je me plaignais avant-hier de ce que mademoiselle était trop peu attentive, ce soir je trouve qu’elle l’est trop. A son tour, il était distrait et rêveur. Cécile a paru ne rien voir et ne rien entendre. Elle m’a priée de lui procurer Philidor. Si cela continue, je l’admirerai. Adieu ; je répète ce que j’ai dit au commencement de ma lettre : cette fois-ci vous me devez des remerciements. J’ai rempli ma tâche encore plus exactement que je ne pensais ; j’ai copié la lettre et les cartes. Je me suis rappelé ce qui s’est dit presque mot à mot.


TREIZIÈME LETTRE


Tout va assez bien. Cécile s’observe avec un soin extrême. Le jeune homme la regarde quelquefois d’un air qui dit : me serais-je trompé, et vous serais-je tout-à-fait in-