Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/119

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geresses de la maîtresse du logis ? Je l’ai suppliée de ne pas boire une tasse de thé qu’elle lui donnait, et de dire qu’elle y avait vu tomber une araignée ; mais mademoiselle votre fille a haussé les épaules et a bu. Elle est courageuse, ou bien elle croit à la vertu comme Alexandre ; mais moi, je crois à la jalousie de Madame de ***. Certainement elle lui a enlevé son mari ou son amant ; mais je pense que c’est son mari, car la dame a l’air plus vaine que tendre. Je voudrais bien le voir. Je suis sûr qu’il est très aimable et très amoureux. D’ailleurs, j’ai ouï dire ici et dans la ville où son régiment est en garnison qu’il était le plus aimable comme le plus brave cavalier du monde. Mais, madame, ce n’est pas la seule situation intéressante que mademoiselle votre fille donne lieu aux spectateurs de considérer. Elle a auprès d’elle deux Bernois, un Allemand et un lord anglais, qui est le seul à qui elle ne dise pas grand’chose. Il a l’air d’en être consterné. Il n’est guère fin, à mon avis. Il me semble qu’à sa place j’en serais flatté. Cette distinction en vaut bien une autre. — Vos tableaux me paraissent être d’imagination, lui ai-je dit en souriant ; mais j’étais au fond très peinée. Allons voir tout cela. J’ai fermé la porte du cabinet après en être sortie. — Savez-vous bien, monsieur, ai-je dit, que vous avez parlé devant le maître de la maison, celui qui joue ? — Quoi, lui ! Je suis au désespoir. Je ne le croyais pas si jeune ; et rouvrant aussitôt la porte et me ramenant à la partie de piquet : que faut-il, monsieur, a-t-il dit à mon parent, que fasse un jeune écervelé vis-à-vis d’un galant homme qui a bien voulu faire semblant de ne pas entendre les sottises qui lui sont échappées ? — Ce que vous faites, monsieur, a dit M de *** en se levant. Et, serrant de bonne grâce la main que lui présentait le jeune étranger, il a avancé une chaise, et nous a priés de nous asseoir. Ensuite il a demandé des nouvelles de plusieurs officiers de son régiment et d’autres personnes que le jeune homme