Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je réponds sans hésiter : oui, et cependant je réponds : non à la seconde. Si ce qui me fait dire non vient à changer, ou si mon opinion à cet égard change, je t’en avertirai tout de suite. »

Il a écrit dans l’enveloppe : « Faites-moi la grâce, madame, de me faire savoir si vous et Mademoiselle Cécile approuvez ma réponse. Supposé que vous ne l’approuviez pas, je garderai ceci, et ferai la réponse que vous me dicterez. »

Cécile est sortie, je l’attends pour répondre.

Elle approuve la réponse. Je lui ai dit : Pensez-y bien, ma chère enfant ! — J’y pense bien, m’a-t-elle répondu. — Ne te fâche pas de ma question, lui ai-je dit : trouves-tu ton Anglais plus aimable ? Elle m’a dit que non. — Le crois-tu plus honnête, plus tendre, plus doux ? — Non. — Le trouves-tu d’une plus belle figure ? — Non. — Tu vivrais, du moins en été, dans le pays de Vaud. Aimerais-tu mieux vivre dans un pays inconnu ? — J’aimerais cent fois mieux vivre ici, et j’aimerais mieux vivre à Berne qu’à Londres. — Te serait-il indifférent d’entrer dans une famille où l’on ne te verrait pas avec plaisir ? — Non, cela me paraîtrait très fâcheux. — S’il est des nœuds secrets, s’il est des sympathies, en est-il ici, ma chère enfant ? — Non, maman. Je ne l’occupe tout au plus que quand il me voit, et je ne pense pas qu’il me préfère à son cheval, à ses bottes neuves, ni à son fouet anglais. Elle souriait tristement, et deux larmes brillaient dans ses yeux. — Ne vous paraît-il pas possible, ma fille, d’oublier un pareil amant ? lui ai-je dit. — Cela me paraît possible ; mais je ne sais si cela arrivera. — Est-il bien sûr que tu te consolasses de rester fille ? — Cela n’est pas bien sûr, c’est encore une de ces choses dont il me semble qu’on ne peut juger d’avance. — Et cependant la réponse ? — La réponse est bonne, maman, et je vous prie d’écrire à mon cousin de l’envoyer. — Écris toi-même, ai-je dit. Elle a