Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/132

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l’aurait cru. Ensuite vinrent les étrangers, qui louèrent sur-le-champ ma maison. Il ne restait que l’embarras de nous loger en attendant votre réponse. On nous offrit un logement dans une maison de campagne que des Anglais ont quittée en automne. J’acceptai avec empressement, de sorte que tout fut arrangé, et devint public en un quart d’heure ; mais la surprise, les questions, les exclamations durèrent toute la soirée. Les plus intéressés à notre départ en parlèrent le moins. Milord se contenta de s’informer de la distance de l’habitation qu’on nous donnait, et nous assura que de longtemps la route de Lyon ne serait praticable pour des femmes ; il demanda ensuite à son parent si, au lieu de commencer par Berne, Bâle, Strasbourg, Nancy, Metz, Paris, ils ne pourraient pas commencer leur tour de France par Lyon, Marseille et Toulouse. — Vous serait-il plus aisé alors, lui dit-on, de quitter Toulouse qu’à présent de n’y pas aller ? — Je ne sais, dit Milord plus faiblement et d’un air moins signifiant que je n’aurais voulu. — Après avoir été six semaines à Paris, lui dit son parent, vous irez où vous voudrez.

Cécile me pria de l’associer à mon jeu, disant qu’elle avait son voyage dans la tête, de manière qu’elle ne jouerait rien qui vaille. Après le jeu, je demandai à M. d’Ey** qu’il nous prêtât des estampes et des livres ; mon parent m’offrit son piano-forté ; je l’acceptai : sa femme n’est pas musicienne. Le Bernois, qui a ici son carrosse et ses chevaux, me pria de les prendre pour me conduire à la campagne, et de permettre que son cocher pût savoir tous les matins d’une laitière qui vient en ville si je voulais me servir de lui pendant la journée. — Ce sera moi, dit Milord, qui, toutes les fois qu’il fera un temps passable, irai demander les ordres de ces dames et qui vous les porterai. — Cela est juste, dit son parent ; de pauvres étrangers n’ont à offrir que leur zèle. Le Bernois nous dit ensuite qu’il n’aurait pas longtemps le plaisir de