Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/209

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de sa femme et de ses parentes. Sur les cinq mille pièces dont je lui avais fait présent, elle n’a voulu disposer que de mille en faveur de Fanny, et de cinq cents en faveur de James ; cependant le bien de son oncle qu’elle m’a apporté en mariage vaut au moins trente-cinq mille pièces.

Elle m’a prié de garder Fanny, disant que je lui ferais honneur par là aussi bien qu’à une fille qui méritait cet honneur, et qui, n’ayant jamais servi à rien que d’honnête, ne devait pas être soupçonnée du contraire. Elle donne ses habits et ses bijoux à mistriss***, de Norfolk, sa maison de Bath, et tout ce qu’il y a dedans, à sir Harry B. Elle veut que, ses funérailles payées, son argent comptant et le reste de son revenu de cette année soient distribués par égales portions aux petites filles et aux domestiques qu’elle avait, outre James et Fanny. S’étant assurée qu’il n’y avait rien dans ce testament qui me fît de la peine, ni qui fût contraire aux lois, elle m’a fait promettre, ainsi qu’à deux ou trois amis de lord L*** et de son oncle, de faire en sorte qu’il fût ponctuellement exécuté. Après cela elle a continué à mener sa vie ordinaire, autant que ses forces, qui diminuaient tous les jours, pouvaient le lui permettre, et nous avons plus causé ensemble que nous n’avions jamais fait auparavant. En vérité, monsieur, j’aurais donné tout au monde pour la conserver, la tenir en vie, fût-ce dans l’état où je la voyais, et passer le reste de mes jours avec elle.

Beaucoup de gens ne voulaient pas la croire aussi malade qu’elle l’était, et on continuait à lui envoyer, comme on avait fait tout l’hiver, beaucoup de pièces en vers qui lui étaient adressées, tantôt sous le nom de Caliste, tantôt sous celui d’Aspasie ; mais elle ne les lisait plus. Un jour je lui parlais du plaisir qu’elle devait avoir en se voyant estimée de tout le monde : elle m’assura qu’ayant été autrefois fort sensible au mépris, elle ne l’était jamais