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NOTICE.

Qu’est-ce donc que mademoiselle de La Prise ? Virginie, Valérie, Nathalie, Sénanges, Clermont, Princesse de Clèves, créations enchantées, abaissez-vous, — baissez-vous, un peu, pour donner à cette simple, élégante, naïve et généreuse fille, un baiser de sœur !

Et vous, belle Saint-Yves de certain conte par trop badin, élevez-vous, einnoblissez-vous un peu, mêlez de la raison dans vos larmes, redevenez tout-à-fait pure et respectée pour l’atteindre.

Depuis l’incident du concert, qui avait fait nécessairement jaser, Meyer n’avait pas revu mademoiselle de La Prise. Il la retrouve à un bal pour lequel on lui avait envoyé, de deux côtés différents, deux billets : un de ces billets, il en a disposé assez légèrement pour un ami de comptoir qui était présent lorsqu’il recevait le second ; il n’a pu résister à lui faire ce plaisir.


« Hier, vendredi, fut le jour attendu, redouté, désiré ; et nous nous acheminons vers la salle, lui fort content, et moi un peu mal à aise. L’affaire du billet n’était pas la seule chose qui me tint l’esprit en suspens : je pensais bien que mademoiselle de La Prise serait au bal, et je me demandais s’il fallait la saluer, et de quel air ; si je devais lui parler, si je pouvais la prier de danser avec moi. Le cœur me battait ; j’avais sa figure et sa robe devant les yeux ; et quand, en effet, en entrant dans la salle, je la vis assise sur un banc près de la porte, à peine la vis-je plus distinctement que je n’avais vu son image. Mais je n’hésitai plus, et sans réfléchir, sans rien craindre, j’allai droit à elle, lui parlai du concert, de son ariette, d’autre chose encore ; et, sans m’embarrasser des grands yeux curieux et étonnés d’une de ses compagnes, je la priai de me faire l’honneur de danser avec moi la première contredanse. Elle me dit qu’elle était engagée. — Eh bien ! la seconde ? — Je suis engagée. — La troi-