Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/261

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belle, qui vient le pincer, à ce que je crois, ou lui faire quelque niche à laquelle son amant répond galamment par un… prononcé bien à l’anglaise. — Ah ! petit mâtin ! lui dit-elle, et elle recommence ses chansons. Cette conversation est si forte et si soutenue, que je demanderai bientôt une autre chambre, s’ils ne se taisent… Heaven knows I do not envy their pleasures, but I ivish they would leave…[1].

« Je lis toujours mon roman : il y a une Ulrique qui, dans son genre, est presque aussi intéressante que Caliste ; vous savez que c’est beaucoup dire ; le style est très énergique, mais il y a une profusion de figures à l’allemande qui font de la peine quelquefois. J’ai été fâché de voir qu’une lettre était une flamme qui allumait la raison et éteignait l’amour, et qu’Ulrique avait vu toutes ses joies mangées en une nuit par un renard. Si c’était des oies, encore passe. Mais cela est bien réparé par la force et la vérité des caractères et des détails.

« Adieu, madame. Mille et mille choses à l’excellente mademoiselle Louise, à M. de Charrière et à mademoiselle Henriette ; mais surtout pensez bien à moi. Je ne vous demande pas de penser bien de moi, mais pensez à moi. J’ai besoin, à deux cents lieues de vous, que vous ne m’oubliiez pas. Adieu, charmant Barbet. Adieu, vous qui m’avez consolé, vous qui êtes encore pour moi un port où j’espère me réfugier une fois. S’il faut une tempête pour qu’on y consente, puisse la tempête venir et briser tous mes mâts et déchirer toutes mes voiles ! »


Darmstadt, le 25.

« Du thé devant moi, Flore à mes pieds, la plume en main pour vous écrire, me revoilà comme en Angleterre,

  1. Les mots qui suivent sont usés dans le pli du papier, mais reviennent à dire : Je ne leur demande qu’une chose, c’est de me laisser les sombres plaisirs d’un cœur mélancolique.