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LETTRES

DE MADAME DE CHARRIÈRE
A BENJAMIN CONSTANT
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Un recueil étranger qui se recommande à l’attention, et que nous avons déjà cité, la Revue Suisse, de Lausanne, a publié, presque au même moment où la Revue des Deux Mondes donnait le précédent article, les lettres suivantes qui achèvent en quelques points de l’éclairer.

« Pour compléter l’intérêt qu’offre l’intime correspondance de deux personnes si distinguées, disait la Revue Suisse (avril 1844), on a bien voulu nous permettre de publier quelques lettres de madame de Charrière. Avec autant d’esprit que son illustre ami, elle montre plus de cœur et attache avec plus de charme : on y sent partout la tristesse profonde d’une vie de femme où la sensibilité souffre et que les ressources du talent, du caractère, de la fermeté, celles même d’une célébrité choisie, n’ont pu guérir. Une grâce aussi charmante qu’aisée, un tour fin, vif, spirituel, une correcte et rare originalité dans l’élégance, tout est remarquable en ces pages où il n’est pas une ligne, pas un mot qui sente la recherche ou la prétention, ou l’affectation, ni dans la manière ni dans les sentiments. Rencontre peu commune ! Après avoir lu, et surtout relu ces lettres, on voit une femme supérieure dans le libre usage de ses facultés, mais surtout on aime et on plaint une âme faite pour trouver autre chose dans la vie que ce qu’elle en a connu. »


Ce mardi 30 août 1790.

Mon Dieu, que je suis fâchée que vous soyez faible et malade ! j’aurais encore mieux aimé, non pas peut-être votre oubli total, mais un caprice de votre part, une boutade dont vous auriez pu revenir. Au nom de Dieu, revenez aussi de cet état de langueur que vous me peignez si bien et si tristement. Ne vous faites point de violence ;