Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/340

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je préférasse au plaisir de lire sans cesse un roman de vous. Je crois que cela suspendrait la Révolution et que ce monde chimérique deviendrait le mien.

Je ne crois pas que tout votre esprit même pût servir à deviner la sensibilité. Je pense donc que l’auteur de Caliste a un très bon cœur, et je la remercie beaucoup de sa lettre à Francfort en faveur de M. de La Fayette. Si elle est lue, j’en espère tout ; il me semble que vous lire est toujours une émotion, même pour un Roi. Ces pauvres prisonniers sont, en effet, bien dignes d’un intérêt public ; mais si je sais pourquoi je vous présente le motif de la gloire ! car c’est le prix sur lequel vous devez être le plus blasée. Adieu, vous êtes bonne comme la vraie supériorité.




II.


Coppet, 12 septembre.

Je demande instamment Mistriss Henley ; je n’ai pu la trouver à Genève, et je ne renverrai ce que je possède à M. de Saïgas qu’après avoir reçu Mistriss Henley ; je veux toujours avoir quelque chose à vous, afin de me persuader que je ne vous ai pas tout-à-fait quittée. — Vous avez été bien bonne de vous intéresser à nos malheureux prisonniers, mais il y a un point positivement faux dans le récit qu’on vous a fait. On vous a dit qu’ils se voient, et il est positif, par une lettre d’eux, qu’ils n’ont pas la moindre communication ensemble. Quel désespoir qu’une telle solitude, et concevez-vous le motif de cette inutile cruauté ! Il me semble que les Rois, par haine des Jacobins, devraient se faire les plus humains des hommes. — Dites-moi, je vous prie, si vous avez lu une correspondance des émigrés faite à plaisir, qui m’a paru spirituelle, et qu’on vante beaucoup. Ce n’est