Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
NOTICE.

Ainsi parle à la jeune baronne de Berghen cet aimable et sceptique abbé de La Tour, qui trouve peu sûr pour son repos de passer un hiver entier à Altendorf, près de Constance.

La conclusion de la seconde partie répète la même idée, mais d’un ton moins léger, et avec un certain accent d’élévation dans la bouche de Constance :


« Oh ! la rectitude est bonne. Je n’aurai point de dispute avec Théobald. Je respecte tous les scrupules, les scrupules religieux, les scrupules de l’honneur, enfin tous ceux même qui n’auraient point de nom. et jusqu’à la soumission à des lois que rien ne sanctionne. Mon esprit, si ennemi de tous les galimatias, respectera toujours celui-ci ; j’aimerai toujours voir l’extrême délicatesse se soumettre à des règles qu’elle ne peut définir, et dont elle ne sait point d’où elles émanent. »


Ce roman achevé, duquel je n’ai extrait que la pensée, en négligeant mainte délicatesse de détail, il reste de quoi réfléchir longtemps. Qu’il y a là, me disais-je, plus de choses qu’il ne semble ! combien de résultats et d’observations y passent sans prétendre à se faire admirer ! et qu’il est agréable, dans un mot, dans un trait, de les saisir ! La morale en est bien sceptique, mais en somme elle tourne au bien ; il y a une vraie tolérance qui n’est pourtant pas l’indifférence totale. C’est un roman de Directoire, mais qui se peut avouer et relire, même après toutes les restaurations.

Ne soyons pas si fiers en effet : austères régents de notre âge, et qui le preniez si haut, kantistes, éclectiques, doctrinaires et tous, nous ne sommes pas si riches en morale, et vous-mêmes l’avez bien, à la longue, un peu prouvé. Qu’est-ce à dire ! Après trente ans, qui n’a lu dans bien